D’Espérance et d’excellence

Depuis 30 ans, au domaine d’Espérance, Claire de Montesquiou poursuit sa quête. Et refuse que l’armagnac soit considéré comme « le cousin rustique du cognac ». Rencontre

Fin d’après-midi d’automne à Mauvezin-d’Armagnac. Les feuilles des chênes roussissent et frémissent au passage de palombes rodeuses. Le domaine d’Espérance distille les vins réalisés au domaine. De l’ugni-blanc, de la folle blanche. Du baco bien sûr.

La maîtresse des lieux n’a rien oublié de la première rencontre avec cette propriété. « Au tout début des années 90 nous vivions à Londres avec mon mari. Lui travaillait dans la finance, moi j’étais chasseur de têtes pour le monde du luxe. Et nous commencions à constater que les Anglais achetaient des maisons dans le Sud de la France. » Un phénomène qui interpelle Claire de Montesquiou et son Gascon de mari.

« Dès le départ nous imaginions faire de l’armagnac. Du haut de gamme. » C’est alors que le domaine d’Espérance leurs tend les bras. Le charme du domaine de Mauvezin-d’Armagnac fait le reste. « C’était un tout petit vignoble de 4 hectares, se souvient sa propriétaire. 4 hectares de baco dont les stocks se trouvaient chez Darroze ou chez Dutournier à Paris. »

Alors les Montesquiou ont entrepris la restauration et la restructuration de leur domaine d’Espérance. 30 ans plus tard, leur vignoble s’étend sur 45 hectares, dont deux tiers sont à destination du vin et un tiers de l’armagnac. « Et même un petit peu plus, sourit Claire. Car vous savez, je n’ai pas l’impression d’avoir terminé la mise en place de notre domaine. Je suis en train de planter sept hectares supplémentaires. » Ce qui portera le potentiel armagnacais à 20 hectares.

Si l’ugni blanc « est réservé au négoce, la folle blanche et le baco sont pour mes clients, » prévient la viticultrice. Un titre qu’elle revendique et qu’elle explique : « vous savez, notre petite propriété ne suffisait pas à faire vivre notre famille. Mais j’ai la chance d’avoir un mari qui travaille, ce qui me permet de gérer notre domaine. »

Une gestion empreinte de passion. Une quête du beau, de la qualité, de l’excellence, sans doute héritée de ses expériences professionnelles antérieures. Dès la première année de participation au concours général agricole de Paris, l’armagnac du domaine a décroché l’or. Une récompense, un encouragement à persévérer sur un chemin précis : « je privilégierai toujours la qualité à la quantité, assène Claire de Montesquiou. D’ailleurs, nos eaux-de-vie sont proposées brut de fût, sans additif, sans ajout d’eau. Nous vendons des millésimes et trois assemblages qui sont réalisés avec de l’eau distillée. »

Les marchés du domaine d’Espérance sont la Russie (Claire parle russe), les Etats-Unis, la Thaïlande. Le domaine est également présent dans des clubs en Suède et Norvège. En France, on trouve les eaux-de-vie signée Claire de Montesquiou chez Legrand à Paris.

La propriétaire du domaine d’Espérance n’oublie pas certains moments forts de ces trente dernières années, comme la rencontre avec Olivier Poussier (meilleur sommelier de France en 1990 et du monde en 2000) grâce à qui ses armagnacs ont pris place sur vols longs courriers d’Air France, servi au verre… Elle garde en mémoire, aussi, « les jeunes de l’appellation qui n’hésitaient pas à me conseiller, à m’encourager. Je pense tout particulièrement à Jérôme Delord et Arnaud Lesgourgues. »

Dans le chai d’Espérance, Claire raconte son histoire avec l’Armagnac que ses quatre enfants savourent avec la même passion. Le dernier de ses fils pourrait se laisser tenter par l’idée de poursuivre l’aventure familiale. Mais pas tout de suite. Claire a encore de belles pages à écrire.

L’alambic ronronne. Délicatement on déguste l’eau-de-vie qu’il délivre. Fruitée et au caractère très affirmé. La marque de la Maison. « C’est vrai, s’amuse Claire. Nous travaillons plus le fruit que le bois et l’alcool. Nos armagnacs sont logiquement plus fruité et fleuri que boisé et alcooleux. » Tout est dit.