« Objectif 7 millions de bouteilles »

Jérôme Delord, président du Bureau National Interprofessionnel de l’Armagnac (BNIA) depuis ce matin, dévoile ambition et objectif à l’occasion de cette première interview

ArmagnacNews : Vous voici dans le costume du président de l’armagnac, quel sentiment prédomine ?
Jérôme Delord : Immédiatement on ressent une responsabilité. On comprend que l’on doit s’ouvrir à tout l’armagnac, à tous les Armagnacais. Mais je dois avouer que je m’y étais préparé. Il y a quatre ans, Marc Darroze (alors président du Bnia, ndlr) m’avait dit, « Jérôme, tu dois y aller, commence à y penser ! »
A.N. : A titre plus personnel, plus familial peut-être, qu’est-ce que cette présidence signifie ?
J.D. : En tous les cas c’est grâce à ma famille, et particulièrement à mon frère Sylvain que j’ai pu accepter cette mission. Car ils savent, et Sylvain le premier, qu’il faudra, dans l’entreprise, compenser mon absence due à mes obligations de président. Pour ma famille et pour moi-même, je serai fier à la fin du mandat si j’ai rempli ma mission et ai fait avancer toute la filière armagnac.
A.N. Aux yeux du nouveau président que vous êtes, quelle(s) priorités(s) imaginez-vous pour l’armagnac ?
J.D. : Il faut produire mieux et produire plus. Mais aussi être plus attractif. Il faut que les viticulteurs trouvent un intérêt à vendre des vins de distillation, que le producteur d’armagnac vive mieux de son travail et, au bout de la chaîne, que le distributeur final mette davantage d’armagnacs sur ses linéaires. Nous réussirons si toute la filière, toute la chaine, fonctionne bien.
A.N. On entend votre priorité mais comment fait-on pour y répondre ?
J.D. : Sans doute en redonnant de la confiance à tous les acteurs de la filière. Vous avez noté qu’il se passe quelque chose autour de l’armagnac. Il existe un vrai marché, tout le monde parle de l’armagnac…
A.N. : Justement, comment redonner de la confiance ?
J.D. : En étant fier de ses produits et en écoutant le marché pour mieux y répondre. Chaque fois que tu fais déguster un armagnac tu entends en retour que ce produit est exceptionnel, les consommateurs le trouvent génial. L’armagnac ressemble à un immense paquebot qui s’est un peu alourdi. Il faut lui insuffler beaucoup d’énergie, cette fameuse confiance en lui, et alors il va se relancer fortement.
A.N. : Un mot sur ce marché de l’armagnac que vous évoquez…
J.D. : On rencontre de plus en plus de jeunes consommateurs qui viennent à l’armagnac sans tabou, sans histoire, sans cette image (parfois un peu vieillotte) qui nous a collé à la peau. Ces jeunes consommateurs arrivent avec une connaissance d’autres univers, d’autres alcools. Ils sont intéressés et très curieux, y compris de nos modes de fabrication, de nos cépages, de nos façons de travailler l’armagnac. Ces consommateurs sont aussi plus sensibles aux arômes, ils sont une belle opportunité pour l’armagnac.
A.N. : Pensez-vous que les jeunes Armagnacais, arrivés nombreux depuis quelques années, ont un rôle à jouer en direction de ces nouveaux consommateurs ?
J.D. : Oui, j’en suis convaincu. Nos jeunes dynamisent notre filière, ils dépoussièrent l’armagnac, ils lui donnent un nouvel élan. Et les jeunes consommateurs s’identifient plus facilement à cette génération d’Armagnacais. Ils ont les mêmes codes, parlent la même langue. Cette génération doit nous aider à faire tomber des a priori au cœur de cette mode du spiritueux que nous vivons aujourd’hui.
A. N. : Est-ce-à-dire que le moment que vit l’armagnac est à ne « pas louper » ?
J.D. : Tout à fait. Nous vivons un renouveau qu’il ne faut pas louper. Nous accueillons de nouveaux et jeunes producteurs, de nouvelles marques. Nous devons, l’interprofession, être attentifs à eux. Nous devons les intégrer en n’oubliant pas que chacun à son style d’armagnac, que nous devons accepter la diversité qui finalement est une très belle complémentarité.
A.N. : Quel message affichez-vous en prenant la présidence du BNIA ?
J.D. : Le message que je lance se résume en un mot : distillons ! Nous devons distiller pour plusieurs raisons. La première est que la distillation est magique. Elle appartient à notre culture, à notre tradition, à nos familles et à notre histoire. Ensuite, nous devons distiller parce que le marché est là et que nous devons anticiper les années à venir. Enfin, distillons parce que cela est rentable, l’eau-de-vie apporte de la valeur.
A.N. : Et votre ambition, quelle est-elle ?
J.D. : Dans la lignée de ce que je viens de dire… Dans les cinq ans nous devons arriver à une vitesse de croisière de 20 000 hl distillés tous les ans, soit 7 millions de bouteilles vendues chaque année. Cela signifie que nous doublerions nos ventes actuelles. Nous en avons les moyens face à un marché, une nouvelle fois, qui est là. Si nous franchissons ce cap, alors nous regarderons l’avenir plus sereinement, nous serons une filière plus solide, capable d’investir et de se projeter.
A.N. : Se projeter, c’est ce que l’armagnac fait au travers de l’ambition Armagnac 2030…
J.D. : C’est vrai et nous pouvons en être collectivement fiers. Il se passe vraiment quelque chose autour de ce travail qui réunit toutes les composantes de notre filière. Il faut aussi que les jeunes, que j’évoquais tout à l’heure, nous rejoignent dans cette démarche, nous avons besoin de leurs vision.
A.N. : Un tout dernier mot ?
J.D
. : Nous sommes en train de nous rendre compte que nous avons un trésor entre les mains. Sans doute les périodes difficiles que nous avons vécues ont aidé à cette prise de conscience. Et dans cette période, nous les Armagnacais, avons appris, me semble-t-il, à mieux échanger, à mieux travailler ensemble, à se rendre des services. Comme on le fait au sein d’une famille. Cet état d’esprit me plait, je pense que nous pouvons nous appuyer sur lui pour avancer collectivement.

Jérôme Delord, nouveau président du Bnia (photo Valérie Servant)