L’espoir Joe Biden

Les Armagnacais composent avec la surtaxe américaine en espérant un geste rapide du nouveau président. Ils songent, aussi, à faire évoluer ce marché américain, pourquoi pas avec des armagnacs plus jeunes.

Depuis le mois de janvier les spiritueux français (dont l’armagnac) subissent une nouvelle taxe sur le sol américain, résultat d’une des dernières décisions de l’administration Trump.
Si cette augmentation de 25 % pour les eaux-de-vie vendues aux États-Unis est la conséquence d’un conflit transatlantique sur les aides à l’aéronautique, les Armagnacais partagent un même sentiment, celui d’être pris en otage « dans une situation qui nous dépasse », reconnaît Marc Darroze.
Le négociant de Roquefort, pour qui le marché américain fait partie de ses trois premiers pays à l’export (avec la Chine et la Russie), travaille avec ses importateurs et distributeurs pour trouver des solutions adaptées. « Cette nouvelle taxe concerne nos millésimes et nos eaux-de-vie de grande qualité. Nous sommes prêts à faire des gestes commerciaux à la condition que tous les intermédiaires fassent de même. Sinon, si tous gardent une marge identique, ce n’est pas une augmentation de 25 % que nous aurons à l’arrivée mais bien plus importante. »
Si Marc Darroze espère que la diplomatie française, et surtout européenne, permettra un infléchissement de l’administration Biden, il craint, comme ses importateurs américains, que le niveau de ces taxes ne soit pas revu avant août prochain.
Pour Jérôme Delord (dont les exportations aux États-Unis connaissent une progression à deux chiffres depuis deux ans) la taxation concerne 30 % de ses armagnacs expédiés outre-atlantique (la taxe intervient sur des produits au-delà de 17,50 euros, prix de départ). L’Armagnacais se réjouit que « le projet de taxer tous les spiritueux sans différence de prix n’a, a priori, pas été retenu ». Pour l’heure, il ne note aucun fléchissement dans les commandes américaines et souhaite accentuer, avec son importatrice, « des circuits de distribution courts pour contenir le nombre d’intermédiaires et donc de marges ». Jérôme Delord, qui se dit « moins inquiet que nous l’avons été il y a quelques semaines », insiste par ailleurs sur la nécessité de « réaliser des volumes, aussi, avec de jeunes et bons armagnacs. Là est l’avenir de notre filière. »
Une idée que Benoît Hillion, directeur de la Maison Dartigalongue et président du syndicat du négoce, défend depuis de longs mois. « Cette taxe américaine touche évidemment nos millésimes, nos armagnacs les plus vieux. Mais n’est-ce-pas l’occasion d’élargir notre gamme en lançant sur le marché américain des eaux-de-vie de moins de dix ans ? Nous possédons d’excellents armagnacs jeunes, à nous de les vendre avec une histoire, un nouveau positionnement (NDLR, que celui des VS et VSOP qui ne parlent guère), avec plus d’originalité. C’est avec ce type d’armagnacs que nous ferons vivre nos entreprises. » « Quels armagnacs vendrons nous dans cinq ou dix ans ? », lance le négociant de Nogaro, bien décidé à faire avancer la réflexion.
Denis Lesgourgues, propriétaire du château de Laubade qui enregistre « une très belle progression aux États-Unis depuis trois ans », déplore que cette taxe « Trump » intervienne sur un marché qui connaît une belle dynamique. « Concernant notre entreprise, c’est une progression de 45 % en valeur sur ce marché. C’est historique. Et cette taxe est tout sauf anodine. »
Il salue l’intervention des grands groupes de spiritueux (à Cognac en particulier) depuis le début de ce bras de fer avec l’administration américaine, mais aussi « l’excellent travail réalisé par Olivier Goujon, le directeur de notre interprofession. Il a su sensibiliser la profession, les syndicats, pour faire entendre la voix de l’armagnac et alerter sur la situation que nous connaissons. »
Le propriétaire de Laubade se veut optimiste :  « si on écarte les subventions accordées à l’aéronautique, les vins et spiritueux sont les produits français leader à l’exportation… » Entendez que l’on ne peut ignorer le poids de cette filière et que « des solutions seront trouvées », glisse Denis Lesgourgues. Pour lui, le gouvernement français, l’Europe, « vont se mobiliser pour ne pas fragiliser davantage la viticulture. »
Pour l’heure, Patrick Farbos, le président de l’interprofession, ne lâche pas la pression exercée -avec notamment l’ensemble des représentants des spiritueux français- sur la diplomatie française en espérant un geste significatif du président Joe Biden.
Deuxième pays exportateur (en volume) et troisième (en valeur), les États-Unis réclament une attention toute particulière de l’interprofession armagnac.

Au niveau national, Jérôme Despey, président du Conseil spécialisé Vin de FranceAgrimer, et César Giron, président de la fédération des exportateurs de vins et spiritueux, ont rencontré le Premier ministre Jean Castex et le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie en début de semaine. Les premiers ont insisté sur la nécessité de mettre en place un moratoire sur les sanctions actuelles le temps que la France et l’Europe puissent avancer sur ce dossier avec le président Biden.
Le Premier ministre, qui s’est dit conscient de la situation que rencontrent les entreprises exportatrices de vins et spiritueux, s’est voulu rassurant quant à l’implication de son gouvernement et de l’Europe sur ce dossier et a évoqué le principe d’un mécanisme de compensation en direction des entreprises victimes de cette taxe « Trump ».

A suivre donc.