Et l’alambic livra une eau-de-vie

Lorsque revient l’automne en Gascogne, les alambics courent de fermes en chais. Pour y renouveler un mystère dont on ne se lasse pas. Les distillateurs non plus.

Lorsque le jour se tait, à la lumière rougie des flammes du bois de chêne qui brûle dans l’alambic, remontent souvent des histoires d’un autre temps. Lorsque celles-ci ne sortent pas directement de la bibliothèque des légendes que l’on feuillette en famille, avec des amis, que l’on raconte aux visiteurs ébahis et envoûtés.

Des histoires de distillation. Ce temps magique de l’année armagnac que pour rien au monde on ne zapperait de l’agenda. Ces moments où l’on prend le temps de regarder le vin se transformer en eau-de-vie, en buvant les paroles des anciens jamais avares de superlatifs et d’anecdotes sucrées.

Au diable ceux qui qualifient ces images d’Épinal à l’évocation d’une paire de bœuf qui, lentement, apparaissait au bout du chemin de la propriété, tirant péniblement une drôle de machine que l’on nomme alambic. Leur arrivée donnait le top départ de quelques jours heureux où les aiguilles de la montre ralentissaient leur cadence pour profiter davantage encore de rencontres festives dans la grange du domaine.

Le temps de la distillation n’a pas changé d’état d’esprit. Avec les ans, les bœufs ont laissé place à des modes de motorisation différents, mais l’allumage de la chaudière de l’alambic conserve sa magie. Le distillateur court toujours de fermes en domaines durant quelques mois. Les palombes, bien que de plus en plus sédentarisées, traversent la Gascogne en ces premiers jours de transformation de la folle blanche ou du baco, alors que les champignonneurs traquent le cèpe et la girolle.

Durant quelques mois, d’octobre à janvier, la Gascogne déclare sa Flamme à l’armagnac. Au fond d’une grange abritée des vents, dans une distillerie douillette ou dans un chai, le distillateur poursuit sa missin. Avec passion et un savoir-faire transmis par des anciens, il surveille, écoute, accompagne son alambic de jour comme de nuit jusqu’à la délivrance d’une eau-de-vie limpide et goûteuse, annonciatrice d’un avenir ambitieux.

Rémi Brocardo ne porte pas forcément le béret mais pour autant perpétue avec la même passion la mission, ô combien gratifiante, de distillateur. Depuis plusieurs années déjà, il est un maillon essentiel de l’équipe de Philippe Gironi, un des plus importants distillateurs ambulants de l’armagnac. « La distillation est magique, lance-t-il. Et tellement mystérieuse. On s’applique à faire les gestes les plus justes, à régler le mieux possible notre machine, et pourtant, nous ne réalisons jamais deux fois la même eau (Ndlr, l’eau-de-vie) même avec des cépages et des cuvées identiques. »

Pour Rémi, une constante toutefois, « si ton vin est bon, alors ton eau-de-vie a toutes les chances d’être bonne. Nous (les distillateurs) et notre drôle de machine, on va réussir à réaliser un armagnac un peu plus boisé, un peu plus épicé, mais finalement, nous n’apportons pas grand-chose », dit-il avec une modestie qui cache pourtant un vrai savoir-faire, lorsque ce n’est pas du talent.

« Les palombes, bien que de plus en plus sédentarisées, traversent la
Gascogne en ces premiers jours de transformation de la folle blanche ou
du baco. »