Quand les fantômes se dévoilent
Et voilà le « Carré des fantômes » ! Un armagnac issu des six cépages « oubliés » de l’appellation, que Caroline Rozès a replanté sur son domaine d’Aurensan à Cassaigne
Le projet était un peu fou. Ou du moins hors des sentiers battus. A l’image du parcours de Caroline Rozès, revenue il y a moins de dix ans sur les vignobles de ses parents –les domaines Léberon et Aurensan à Cassaigne- après une belle première partie de carrière chez LVMH et Kenzo où elle gérait les fragrances et le marketing.
A Cassaigne, la jeune femme s’est donc lancée dans une expérience jamais menée : redonner vie au meslier Saint-François, au jurançon blanc, à la clairette de Gascogne, au plan de graisse, au mauzac blanc et rosé. Six cépages enfouis dans les souvenirs du décret d’appellation armagnac qui côtoient désormais les plus médiatiques folle blanche, ugni blanc, baco et colombard sur le domaine des Rozès.
Récoltés en 2018, les premiers raisins de ces « fantômes » sont désormais devenus armagnac. Une eau-de-vie issue d’un carré dans lequel s’épanouissent ces six cépages complantés sur ce sol argilo-calcaire de Ténarèze. Une complantation qui « permet de diminuer ou de diluer la pression des maladies, certains cépages ayant leurs propres défenses », aime à rappeler Caroline. Et donc une utilisation moindre des entrants. Une démarche raisonnée sur laquelle les domaines d’Aurensan et Léberon sont engagés depuis plusieurs années.
Le Carré des fantômes est donc chez les cavistes depuis quelques semaines. Une eau-de-vie passée trois ans en fût qui dévoile déjà un beau caractère. « On note une belle vivacité, une pureté aromatique, une belle floralité », s’enthousiasme Caroline Rozès. Un armagnac jeune qui enflamme quelques spécialistes qui relèvent « des goûts de noisette de toscane torréfiée ».
250 bouteilles ont déjà pris le bateau pour une commande japonaise. Un démarrage encourageant. Les cavistes et restaurants sont curieux de cette nouveauté, elle enrichit la gamme d’Aurensan qui privilégiait jusqu’alors les millésimes familiaux.
Les Rozès, en propriétaire-récoltant innovant, ne vont pas s’arrêter en si bon chemin. La tentation risque d’être grande d’associer les récoltes des 3,40 hectares de « fantômes » aux 5 autres hectares de cépages plus traditionnels.
Et pourquoi-pas réaliser dans quelques temps un armagnac issu des dix cépages de l’armagnac… Ce serait, de nouveau, une première !