La belle Victoire de Danis
Sur son domaine familial de Danis, à Castelnau-d’Auzan, Victoire Piquemal crée et bichonne ses armagnacs depuis 30 ans. A l’instar de « son » 2004, prix du Grand jury des Talents de l’armagnac le mois dernier. Rencontre
Un samedi soir d’hiver, à quelques jours de Noël. Victoire est dans son chai, une pipette à la main, et des mots en guirlande pour raconter, pour conter ses eaux-de-vie. Victoire Piquemal la discrète, doux euphémisme, laisse éclater son sourire et offre son bonheur à l’heure de partager cette passion indéfectible.
Elle parle, beaucoup, de son aventure, même si elle souhaiterait que nous n’en parlions pas. Pas une coquetterie, plutôt un état d’esprit hérité des parents qui ont construit Danis sur cette terre de Ténarèze qui tutoie le Bas-Armagnac au point de lui avoir emprunté ses sols de sables fauves.
Dans son chai dont elle connaît chaque foudre, chaque barrique pour leur consacrer l’essentiel de son temps depuis trois décennies, Victoire choisit quelques armagnacs pour ses hôtes. Le 2004, bien sûr, ce millésime qui lui a permis d’inscrire le nom de son domaine familial sur ce trophée nouveau, le Prix du Grand public des Talents de l’armagnac qui sera remis en jeu tous les ans. Mais aussi le 2008 qui a déjà tout d’un grand. Une folle blanche, comme son aînée le 2004, brut de fût, comme tous les millésimes de la Maison. Elle propose aussi un ugni blanc/baco de 1978. Une eau-de-vie dans la grande tradition armagnacaise : puissant, racé, équilibré.
De retour dans son salon-dégustation, Victoire hume ses armagnacs et partage avec ses invités les ressentis et appréciations de chacun. Là est son plaisir. Elle dit aussi son bonheur de voir son domaine sur le devant de la scène cette année alors qu’il a subi, ces derniers mois, des intempéries dévastatrices sur la vigne.
Elle parle bien sûr de son frère Pierre qui a reçu pour la famille le prix alors qu’elle-même n’a pu se libérer en novembre dernier pour la remise des récompenses. Elle évoque, surtout, son travail de vigneronne, de maître de chai. Elle ne se lasse pas de revenir à la production de ses armagnacs, à leur élevage, à l’attention apportée au vieillissement.
Victoire se réjouit aussi que de plus en plus de femmes trouvent place en Armagnac. Dans le développement des domaines et, dans son sillage, du côté des chais, là où s’écrivent les histoires des armagnacs, où se créent les plus belles eaux-de-vie.
Victoire préfère les longues heures à élaborer son vin, à le distiller, à accompagner ses armagnacs tout au long de leur vie, aux estrades. Elle sait qu’à son tour elle transmettra à la prochaine génération la relation passionnelle qu’elle entretient avec ses armagnacs et le soin de faire grandir et d’épanouir les eaux-de-vie qu’elle commence juste à façonner.
Très heureuse de la reconnaissance pour la propriété familiale, discrètement flattée que la qualité de son travail soit reconnue, elle promet de venir l’année prochaine remettre, elle-même, le trophée au futur lauréat du prix du grand jury. Avec un secret espoir et une belle motivation de, pourquoi pas, le conserver une année de plus.