Colette, artiste armagnacaise singulière
Deux hectares de baco sur la propriété familiale de Lannemaignan et un diplôme d’art plastique décroché à la Sorbonne, Colette Remazeilles poursuit sa quête. Rencontre
« Tous les matins, très tôt, je me lève avec une obsession : organiser ma journée pour faire vivre une multitude de projets. » Ainsi est Colette Remazeilles. Jamais rassasiée, jamais avare d’idées qu’elle n’imagine pas ne pas mûrir et transformer en projets aboutis.
Sur sa coquette propriété, La Tuilerie à Lannemaignan, au cœur du Bas-Armagnac, elle élève du baco. Ce cépage planté par ses aïeux sur ce domaine où, naguère, on fabriquait des tuiles. Elle est la troisième génération à choyer ce cépage. En 1998, elle a acheté un alambic Arthez de 1949 dont la chaudière n’accueille que du bois. « Celui de ma propriété, du charme et de l’orme. Le chêne, lui, je le confie à Bortolomo, notre tonnelier. »
Vous l’avez compris : ici, la tradition est la règle et la qualité de l’eau-de-vie une ambition qui ne souffre aucune compromission. « C’est vrai, reconnait Colette. On pousse la tradition à l’extrême. Parce que nous pouvons nous le permettre sur un petit vignoble d’un peu plus de deux hectares et parce que nous racontons une histoire, celle de mon père, de ma famille. Nous conservons un patrimoine très enraciné. Mais la tradition n’exclut pas le contemporain. »
Le mot est lâché. La productrice de Lannemaignan est dans son temps. Même si, à l’écouter, on l’imagine un peu en avance. Ou peut-être jamais en retard !
Ce besoin de regarder au loin, de créer, Colette l’exprime aussi part la peinture. « J’ai toujours aimé dessiner, peindre. Ma mère était une artiste. » Il y a vingt ans, elle plonge dans l’art pictural avec un enthousiasme semblable à celui qui l’anime dans le travail de la vigne, du vin, de l’eau-de-vie. Elle peint des portraits. De femmes. Puis c’est la rencontre avec une plasticienne héraultaise reconnue. Colette travaille, s’enrichit, progresse à ses côtés.
Le lien entre sa peinture et ses eaux-de-vie est une évidence. « Ma peinture est singulière », lâche-t-elle. Comme sa vie, comme elle. Elle peint des portraits de femmes qui racontent une histoire. A moins que l’Armagnacaise, avec ces visages féminins si différents et si proches, ne racontent son histoire.
Depuis une dizaine d’année, elle associe un portrait nouveau à chaque millésime. Les étiquettes au portrait féminin se succèdent pour devenir, année après année, une collection à succès.
En 2020, l’artiste armagnacaise s’est lancée un nouveau défi : décrocher une licence d’art plastique à la Sorbonne. Excusez du peu ! Au menu : de la pratique picturale mais aussi de la philosophie de l’art, de la psychanalyse de l’art… « En ce moment je travaille huit heures par jours pour décrocher le diplôme (1) », avoue-t-elle.
Ainsi avance Colette. A un pas soutenu « que mon entourage a parfois du mal à suivre », s’amuse-t-elle. Et comme elle continue de se lever avec quelques dizaines de projets quotidiens, la course est loin de s’achever.
D’ailleurs, elle vient de se lancer dans une nouvelle aventure qui courra sur dix ans : créer un arboretum sur deux hectares de sa propriété dont les essences, les couleurs des plantes, ont exclusivement un lien avec l’armagnac. Lorsqu’elle souligne que cela n’a jamais été réalisé, on la croit sur parole.
On en oublierait presque ses partenariats avec des artisans haut de gamme qui associent désormais leurs poissons fumés avec sa Blanche, avec la Brasserie La Parisienne qui réalise une bière avec l’armagnac produit à La Tuilerie ou encore une association peu banale avec le groupe de rock The Inspector Cluzo qui embarque dans ses valises les eaux-de-vie de Colette quand la propriétaire elle-même ne sert pas des centaines de cocktails lors des concerts parisiens des musiciens landais.
Singulière ? Colette l’est assurément. Dans sa capacité à faire vivre son baco teinté des couleurs chaudes et envoutantes de ses visages féminins.
Singulière dans cette ligne de vie capable de repousser toujours plus loin l’horizon.
(1) Ce reportage a été réalisé à quelques semaines de son examen final qu’elle a décroché avec mention bien.