« Nous allons prendre notre part »
Jean et Lili de Montal s’installent sur la propriété familiale du domaine d’Arton. Rencontre avec un couple qui cultive passion et humilité.
Il a ouvert les yeux sur ce domaine lectourois voilà quarante-trois ans. L’école, le collège, le lycée, les terrains de rugby, les premières plantations de vignes avec son père Patrick de Montal, dans les années 80, « sur un domaine où tout était à reconstruire », Jean n’a rien oublié. Ses yeux pétillent à la seule évocation de ces instants d’enfance et de jeunesse.
Puis c’est un premier départ. Pour Toulouse et une « prépa », puis Paris pour l’ESTP, « la seule école d’ingénieur qui me permettait d’envisager de travailler dans le domaine de l’environnement. » De belles études à Paris, de nombreuses fêtes aussi, du rugby toujours, et des copains. « A qui très régulièrement je faisais découvrir le Gers, ses fêtes de Condom et celles de Vic-Fezensac. »
Diplômes au pluriel en poche -le Lectourois se forme aussi dans le secteur de la finance et du management- il incorpore plusieurs sociétés, dont une américaine spécialisée dans la dépollution des sites industriels. Jean parcours l’Europe.
A Paris, il rencontre Lili. « Moi, s’amuse la jeune femme, j’étais une ultra-citadine. Originaire de Chine, je n’ai connu que des très grandes métropoles. Avec Jean, dans le Gers notamment, j’ai découvert les saisons, comment poussent les tomates… Parce que Jean est un campagnard, il aime la terre et a le sens de la vie. Cet univers ne faisait pas partie de mon éducation. »
A 19 ans, encore étudiante, Lili est en stage chez Lacoste. Son patron lui confie une mission incroyable : ouvrir un bureau en Chine pour représenter la marque au Croco. Elle y fait merveille durant sept ans avant de rejoindre le CSM (le Central Saint Martins Collège of Art and design de Londres). Lili, qui entre temps a épousé Jean, redevient étudiante. Un Master plus tard, elle rentre de Londres et repart avec son mari pour l’Asie.
Ils vont y vivre sept ans (à Hong-Kong et Singapour notamment). Jean travaille pour une grande entreprise dans le secteur de l’eau. Lili, elle, a créé son agence : Dream Ming. Avec un doux rêve… « celui d’aider les entreprises chinoises dans leur stratégie d’identité de marques. Ce que j’ai fait, mais toujours gratuitement. Heureusement que j’avais d’autres clients, ailleurs dans le monde, qui me permettaient de faire vivre mon agence », sourit-elle.
Durant leur séjour asiatique, Jean et Lili n’oublient pas le domaine d’Arton. « Nous avons trouvé des distributeurs, pour nos vins et un peu pour l’armagnac, » disent-il. Lili, avec son agence et ses équipes, travaille de son côté depuis cinq ans au positionnement de la marque familiale. « Nous nous sommes demandés ce qui qualifie Arton, nous avons réfléchi à un imaginaire, nous nous sommes interrogés : comment rendre concret ce monde dans le monde ?», explique la jeune femme.
On l’a compris, leur retour dans le Haut-Armagnac était écrit. « Nous y pensions depuis longtemps, reconnaît Jean de Montal. Disons que le bon moment est arrivé. »
Désormais, Jean est en charge de la stratégie pour un groupe du CAC 40. Confinement oblige, il a assuré sa mission depuis Arton où il s’est réfugié avec son épouse et leurs trois enfants. Plusieurs mois sur les terres familiales où le couple a mûri son projet. Pour Jean, « l’important est de mettre les mains sur le guidon. Nous réfléchissons à nous installer définitivement sur le domaine pour travailler au développement de notre vignoble, de nos vins, de nos armagnacs, avec papa qui est très impliqué et qui le restera, mais aussi avec Fabrice Saromon, notre œnologue depuis bientôt vingt ans. »
Un domaine de 88 hectares (dont 37 sont plantés en vigne et de nouveaux projets de plantation pour les mois à venir), Arton ne manque pas d’ambition. Pour autant, Jean de Montal connaît trop l’histoire de sa famille, les efforts de ses parents, la difficulté du travail de la vigne pour s’enflammer : « ce sera long, lâche-t-il. Nous allons nous investir pour nos enfants. Comme nos parents, nous allons prendre notre part », à cette belle aventure.
Lili est déjà à 100% sur Arton. En mars, un nouveau site a été créé (avec doublement du chiffre d’affaires le premier mois) et le domaine d’Arton, sous son impulsion, est très présent sur les réseaux sociaux. « Je travaille avec Patrick sur l’avenir, glisse-t-elle. Pour lui, pour nous, la vigne, le vin, l’armagnac, la traçabilité, sont importants. D’ailleurs, renchérit son mari, seuls nos meilleurs ugni blanc et colombard sont promis à l’alambic. »
Lili est au boulot. Avec des relais un peu partout dans le monde. Comme cet opérateur américain, à la tête d’une belle équipe de bartender « qui chassent des trésors pour leurs cocktails. Ils adorent la Fine blanche que Patrick de Montal a lancé en 1985 et qui a contribué à la création de l’AOC Blanche », s’enthousiasme Lili. Un partenaire américain qui « est persuadé que la Blanche va détrôner la vodka », pointe Jean de Montal.
« La réussite d’Arton est le résultat d’une alchimie parfaite entre la volonté de Patrick de Montal, la douceur et le goût du beau de son épouse Victoire », murmure joliment leur belle-fille. Une alchimie qui pourrait bien caractériser le jeune couple qui s’apprête à écrire, avec ses mots, la suite de l’aventure d’Arton.