Dans les pas de Jean-Dominique
Huitième génération de la famille Laudet, Cyril et son épouse Julie reprennent les commandes du château de Laballe à Parlebosq.
Avec enthousiasme.
Les domaines et châteaux armagnacais dévoilent, au visiteur qui prend la peine de feuilleter les histoires des Maisons, des aventures très souvent exceptionnelles. Celle de Laballe l’est tout particulièrement. Une épopée née au début du XIXe siècle avec Jean-Dominique Laudet. Un aventurier gersois vite ennuyé par la vie trop paisible de son Mirande natal. Il rejoint les Antilles. Ce beau siècle n’a pas encore vingt-ans, que Jean-Dominique se repose sur un joli tas d’or gagné dans le commerce des épices, du coton. En 1820 il écrit à son fils Alexandre, resté en métropole et particulièrement à Paris où il apprend le droit, pour lui dire : « Je veux acheter une propriété en Armagnac ». Pas si facile que cela de trouver le bonheur de Jean-Dominique. Une première acquisition cossue… en Ariège, pour placer un peu d’argent, et c’est la découverte du château de Laballe, sur la commune de Parlebosq, entre Gers et Landes.
Un somptueux domaine de 600 hectares, dont 150 de vignes. Pas moins de 120 personnes travaillant au château ! Jean-Dominique réalise son rêve et s’installe, en 1820, à Parlebosc. La famille Laudet débute son histoire. Bientôt deux cents ans plus tard, Cyril, huitième génération de Laudet, poursuit à Laballe l’écriture de cette étonnante aventure. Avec Julie, son épouse. Le vigneron, toujours trentenaire, aime à ouvrir quelques pages de l’histoire des Laudet. Comme celle de Fernand (4e génération) qui a « relancé la propriété », et celle gravée par Robert, son grand-père, chocolatier de profession « qui eut l’idée de génie de créer une servitude autour de l’outil de fabrication de l’armagnac ». Autrement dit, de protéger des vicissitudes du temps, des héritages et des éventuels conflits de succession, les vignes et chais du domaine.
Un grand-père « à qui j’ai demandé, en 2007, de me louer deux hectares de vigne contre l’avis de mes parents », raconte Cyril.
Julie, formée aux langues étrangères et au droit international, bien installée dans une entreprise du luxe, plaque sa vie professionnelle pour accompagner son mari dans l’aventure. « C’était la grande inconnue, se souvient Cyril. La première année nous avons subi le gel, je n’ai récolté qu’une barrique de vin, les douanes ne retrouvaient pas mes deux hectares et refusaient dans un premier temps de reconnaître mon armagnac. Finalement, j’ai réalisé quelques bouteilles de 2007… que l’on garde en souvenir. »
« Il y a deux cents ans mon aïeul se plaignait de la méconnaissance de l’armagnac dans le monde. toujours le même combat. »
La première barrique est devenue 2, 3 puis 50 ans. Cette année, les jeunes Laudet vont planter trois hectares de cépages armagnacais. Ils ont racheté une cinquantaine d’hectares autour du château de Laballe. Depuis dix ans, ils produisent des côtes de Gascogne, avec un joli succès. « Le vin est 80 % de notre activité, dévoilent-ils, mais on croit beaucoup à l’armagnac. Je suis très optimiste, comme l’était déjà Jean-Dominique, s’amuse Cyril. Il y a deux cents ans, j’ai lu qu’il se plaignait de la méconnaissance de l’armagnac dans le monde. J’ai l’impression que nous menons toujours le même combat ! » « Il est vrai que l’on observe depuis quelques temps un véritable engouement pour les spiritueux, se réjouit Julie. A nous de réaliser que nous avons un vrai trésor dans nos chais, un produit « craft » qui nous offre de belles opportunités dans le monde des spiritueux. »
Pour cela, la dernière génération de Laudet veut « sortir d’une approche classique » et s’inspirer du marketing de l’univers du whisky. En témoigne sa dernière collection. Qui n’a pas peur d’afficher la qualité à travers des armagnacs jeunes. « Notre ambition est de vendre quinze pièces par an d’armagnacs jeunes », pointe Cyril. D’ailleurs, un produit spécial cocktail est en préparation dans les chais de Parlebosq et pourrait débarquer à l’automne.
Avec la fougue et l’enthousiasme de leur génération, Cyril et Julie savourent. « Certes, mon aïeul Fernand écrivait qu’un Gascon sans accent n’est pas Gascon (rires) mais nous avons la chance de vivre dans une région où il fait bon vivre. Un territoire qui véhicule des valeurs et une belle gastronomie. Des choses simples que l’on a envie de transmettre et de partager avec nos enfants. » L’enfant des Corbières qu’est Julie n’a pas tardé a adopté cette Gascogne : « J’aime son histoire, ses savoir-faire, ces hommes et ces femmes qui y vivent, ses beaux produits. »
La génération XXIe siècle des Laudet est bien dans ses baskets, dans ses projets et dans une région où « ça ne triche pas », ponctue Cyril.