Isabelle et Thierry de Berdet

Le couple est indissociable dans l’histoire du domaine de Berdet. Thierry Darrimajou l’a acheté en 1993. Ses parents en étaient les métayers.

Aux dernières heures de 2021, Thierry Darrimajou, les yeux plantés dans la vigne fraîchement taillée, s’étonne des températures observées. Pour autant, la perspective d’un Premier de l’an au balcon ne l’inquiète pas outre mesure. Son sourire, véritable carte de visite, trahit tout au contraire un vrai plaisir à l’idée d’évoquer, une fois encore, sa passion pour l’eau-de-vie gasconne.

Devant le chai, le Landais, qui avoue quelques traces de sang basque, s’impatiente de conter son histoire. Faut dire qu’elle n’est pas banale.

« Vous savez, s’amuse Thierry, je ne me suis pas donné grand choix. A 18 ans, je ne pensais qu’à une chose, faire de l’armagnac. » Sur ce domaine de Berdet, à quelques centaines de mètres à vol de palombes de l’église de Bourdalat, au cœur du Bas-Armagnac landais. C’est ici que Thierry a grandi, a appris à compter en ajoutant sur ses doigts les pieds de vignes. Sur une propriété dont ses parents étaient les métayers.

Thierry s’est d’abord installé à Berdet en 1988. Et lorsque, cinq ans plus tard, son père a pris le sentier de la retraite, le propriétaire du domaine a décidé de le vendre. Thierry ne s’est pas fait prier pour acquérir Berdet. Trente ans plus tard, avec pudeur, il trahit une discrète fierté. « Et surtout celle de mes parents », glisse-t-il. Des parents qui du haut de leurs quatre-vingt-dixième années déjà dépassées, suivent toujours, du village de Bourdalat, l’évolution de Berdet.

Une évolution indissociable d’Isabelle, l’épouse de Thierry. Une Landaise aux origines béarnaises : «vous imaginez le caractère de nos deux filles », plaisante-t-elle. « Mon épouse était secrétaire, mais très vite je lui ai transmis ma passion pour l’armagnac »… « Alors que j’avais juré, pour avoir vécu cela avec mes parents, que je n’épouserais jamais un agriculteur et que je ne reviendrais jamais à la vigne », coupe Isabelle.

Elle s’est installée elle aussi. Jusqu’à ce qu’en 2020 les époux réunissent leurs deux propriétés pour une seule, riche de 47 hectares de vigne. En 1988, Thierry s’était installé sur 1,7 hectare…

La culture du maïs et du tournesol, des prairies, composent aussi Berdet. Mais le domaine vit au rythme du vin (des côtes de Gascogne) et surtout de cette eau-de-vie, fierté des Darrimajou.

Tous les ans, 4000 hectolitres de vins sont promis à l’alambic. Celui de Philippe Gironi, distillateur ambulant qui lui a vendu il y a quelques années un magnifique alambic de son beau-père, un Bernès, qui trône dans le chai neuf de Berdet.

Sans surprise, le baco est la star du domaine. Un cépage qui a déjoué le gel ravageur du printemps dernier. « Pourtant, «  il était bien grillé, assurent Isabelle et Thierry. Mais il très bien reparti plus d’un mois après, avec beaucoup de grappillons. Certes, nous avons vendangé plus tard, mais avec seulement 30 % de pertes sur une vendange normale. » Un baco qui laisse un peu de place à quelques hectares de colombard et ugni blanc.

Sur leur vignoble restauré, avec «  des vignes de 6 à 10 ans en pleine vigueur », les Darrimajou produisent un armagnac qui leur ressemble : authentique, traditionnel, généreux, landais ! Des millésimes qui n’enjambent aucunes années, avec quelques récoltes plus anciennes à partir de 1970. Tous les ans, 10 à 15 pièces sont offertes au vieillissement.

Quant au « marché » des armagnacs de Berdet, il est essentiellement constitué d’une clientèle qui se rend au domaine ouvert tous les jours de l’année. « Les comités d’entreprises, qu’ils soient grands ou petits, sont aussi un débouché important pour nous », précise Thierry qui avoue un faible pour ce type de client.

Pour la distillation, des dizaines de personnes se retrouvent autour de l’alambic à Berdet : « parce que la fête fait aussi partie de notre ADN », sourit Thierry. Les yeux pétillants de Sylvie ne disent pas autre chose.

Pour l’heure, le dessein de leurs deux filles ne passe pas par la reprise de Berdet. « Mais qui sait… et puis nous avons encore un long chemin jusqu’à la retraite », lancent les quinquagénaires portés par une passion qui se mêlent aux effluves d’armagnac de Berdet.