« L’armagnac a de beaux jours devant lui »

Alors que le monde du spiritueux n’a jamais été aussi dynamique, Marc Darroze estime que tous les voyants sont au vert pour l’armagnac. Rencontre

Alors que la vie économique est bousculée depuis de longs mois, comment se porte l’armagnac, comment se porte votre Maison ?

Marc Darroze Je suis de plus en plus conscient et heureux de voir que l’armagnac a de beaux jours devant lui. C’est ce que nous ressentons et ce que nos chiffres traduisent. Je pense que cela s’explique par la nouveauté dont font preuve beaucoup de Maisons d’armagnacs. Nous faisons évoluer nos gammes qui n’ont pas bougé durant quarante ans. Nous mettions en avant des propriétés, des armagnacs non réduits, des millésimes. Nous avancions plus avec une casquette de sommelier qu’avec celle de négociant.

Cette évolution, concrètement, comment se traduit-elle ?

M. D. En ce qui nous concerne nous avons conservé le côté « premium », le côté « quali », le côté « très produit » en faisant évoluer nos gammes. Nous avons créé les grands assemblages, une gamme d’armagnacs bio, une gamme « luxe gascon » avec des produits « ultra premium » ou encore une gamme de blanches. Un dynamisme qui reflète celui totalement incroyable que connaît aujourd’hui le monde du spiritueux. Et nos résultats sont très bons, ce qui est très encourageant.

Ce dynamisme « incroyable » du monde des spiritueux est-il porté par une nouvelle clientèle ?

M. D. On observe en effet une clientèle très jeune qui s’intéresse aux spiritueux et en particulier aux armagnacs. Mais la nouveauté est que cette clientèle jeune est formée, curieuse. Elle s’intéresse aux valeurs de notre produit que l’on pensait « du passé », des valeurs ne nos grands-pères. Or, lorsque vous parlez de traçabilité, des phases de productions  des eaux-de-vie, du choix des bois, des différents cépages ou des différentes chauffes de nos barriques -tout ce qui fait la richesse de l’armagnac- vous trouver face à vous des consommateurs attentifs, passionnés.

En fait, vous nous dites que les codes de votre Maison, comme de beaucoup d’acteurs de l’armagnac, sont aujourd’hui très « tendances » ?

M. D. Je pense que cette nouvelle génération de consommateurs nous fait prendre conscience que nos codes sont totalement en phase avec la modernité, avec les attentes des amateurs de spiritueux. Je suis convaincu que les passionnés de whiskies, par exemple, se disent qu’en armagnac existent des pépites à découvrir. Ce qui n’est pas forcément le cas avec les autres spiritueux.

Cela signifie que les marchés de l’armagnac évoluent, surprennent le négociant que vous êtes ?

M. D. Assurément. Je vais vous donner l’exemple du marché allemand sur lequel je n’arrivais pas vraiment à entrer, si ce n’est par quelques cavistes. Un importateur de spiritueux de renom en Allemagne est venu nous chercher parce qu’il n’avait pas d’armagnac a sa carte. Il a souhaité importer outre-Rhin toutes nos gammes, y compris les plus premium dans des quantités importantes. Il nous démontré en effet que ce marché du spiritueux en Allemagne est en train d’exploser. Oui les marchés évoluent, et nous avec eux.

Dans ce marché en pleine évolution comment se situe l’armagnac ?

M. D. L’armagnac possède un rapport qualité/prix très intéressant. J’évoquais le whisky, un très vieux whisky atteint des prix trois fois supérieurs à nos armagnacs du même âge. Alors c’est vrai que les connaisseurs peuvent se dire qu’il y a de bons coups à réaliser en Armagnac, mais attention. Attention de ne pas brader nos vieux armagnacs au risque de le regretter dans quelques années. Il sera trop tard pour se dire « si on avait su ». Un vieil        armagnac, de qualité, a un  prix. Il est toujours regrettable qu’une eau-de-vie ne soit pas valoriser à sa juste valeur.

A contrario, de plus en plus de jeunes armagnacs trouvent place sur le marché…

M. D. Et c’est très bien. Là encore nous avons osé sortir des images d’Épinal que véhicule l’armagnac sur l’âge du produit, sur sa couleur. Un armagnac peut se boire jeune et offrir une couleur claire. Par ailleurs, nous ne devons pas nourrir de complexe par rapport à la qualité de nos jeunes produits et prendre conscience de la générosité que la nature a donné à la Gascogne. Le succès de nos jeunes armagnacs, en mixologie notamment, en est un bel exemple.

Dans ce monde des spiritueux en évolution(très positive), comment inscrivez-vous votre Maison ?

M. D. Les nouveautés de nos gammes sont assises sur des piliers importants de notre Maison, à savoir des valeurs d’authenticité, d’indépendance et de respect des eaux-de-vie et des vignerons avec qui nous travaillons. Ce rail a été tracé par mon père, nous le poursuivons avec confiance dans ce que nous pourrons devenir demain.