Delord vise la « Haute couture »
Le négociant de Lannepax privilégie des produits haut de gamme et insiste sur la richesse de l’histoire de l’armagnac. « Une chance pour nos eaux-de- vie », se réjouit-il.
« Ce qui a le plus changé ces dix dernières années en armagnac ? J’ai une compagne et un enfant ! » Jérôme Delord, fidèle à sa bonne humeur, témoigne, derrière la boutade, d’une maturité que l’on retrouve dans ses eaux de vie et dans la santé de sa maison, plus que jamais parmi les locomotives du produit gascon. « Lorsque nous avons pris les rennes de l’entreprise avec mon frère Sylvain, notre objectif se déclinait en deux mots : croissance et stabilité ». Une décennie plus tard, à grands renforts de modernisation de leur outil de travail, d’augmentation de leur vignoble (de 10 à 40 hectares) et d’une démarche commerciale incisive, les frangins Delord semblent traverser les soubresauts économiques sans encombre.
« Attention, tempère Jérôme, au-delà de très gros investissements, maintenir son chiffre d’affaires en développant sa gamme, demande une réactivité de tous les instants. Voyez le marché Chinois vers lequel on a imaginé, il y a quelques années, un spectaculaire débouché : il s’est cassé la figure aussi vite. Il faut admettre, à l’exportation notamment, que ce que l’on gagne d’un côté, on risque fort de le perdre d’un autre. D’où la nécessité d’être toujours en action. » Et Jérôme Delord l’est, en action. En courant le monde à l’écoute de l’évolution des goûts des consommateurs. « Nous aurions tord de croire que notre eau de vie est uniquement celle que l’on achète comme souvenir de vacances dans notre région. L’armagnac est mûr pour un positionnement haut de gamme. »
« Produit de niche ? Une chance. »
L’Armagnacais de Lannepax argumente : « Les whiskys essaient de faire croire que certains sont vieux et rares. Soit. Nous, nous avons la chance de posséder des pépites qui se raréfient, des eaux de vie travaillées durant des dizaines d’années. Alors, allons sur ce terrain du haut de gamme. Le temps est venu de faire de l’armagnac Haute couture ». Ainsi la Maison Delord s’engage-t-elle sur le chemin d’assemblages de très grandes eaux de vie, mais aussi sur celui des millésimes pour lesquels de nombreux producteurs et négociants notent un regain d’intérêt. « Ces armagnacs Haute couture doivent évidemment être packagés avec un regard nouveau. La subtilité réside dans cet art de proposer un produit, parfois très ancien, dans une bouteille au design contemporain au goût des consommateurs d’aujourd’hui. Sans trahir notre ADN, l’histoire de nos marques, apportons la modernité à notre démarche marketing. »
Présent principalement en Russie et aux Etats-Unis, mais aussi en Espagne, en Australie ou au Canada, la Maison Delord réalise près de 60% de ses volumes à l’export. Et s’accommode de la notion de niche qui colle à la peau du marché armagnacais. « Je pense que c’est une chance, analyse Jérôme Delord. D’abord nous n’aurions pas le potentiel pour un produit de masse, ensuite notre taille nous protège. Mieux, nous faisons des envieux, et, de plus en plus fréquemment, de jeunes entrepreneurs ou investisseurs franchissent le pas en reprenant une maison armagnacaise. J’y vois un signe assez encourageant pour notre produit. »
Jérôme Delord, pour qui l’armagnac « n’a jamais été has been » livre une autre facette de sa maturité. « Notre produit possède une histoire, nous n’avons pas besoin de la créer. Et de cela, je n’étais pas conscient il y a 10 ans ! » Tout est dit.
Août 2015