« Nos racines et notre entité »
Étudiante en biologie, Laurence Dèche a choisi de reprendre le domaine familial : le château de Millet dont elle a spectaculairement fait progresser les ventes
En plus de vingt ans de présence sur la propriété, Laurence a mûri. La jeune femme timide qui arrivait sur la pointe des pieds dans l’exploitation familiale, a laissé place à une chef d’entreprise aguerrie, ambitieuse, aux résultats particulièrement encourageants.
Mais n’allez pas croire que Laurence Dèche écrit une nouvelle page du Château de Millet sans s’appuyer sur l’héritage familial. Tout au contraire. D’ailleurs, elle n’hésite pas à raconter l’achat de Millet par ses ancêtres en 1890. Un acte notarié sur lequel figurait traces de la distillation au domaine et quinze hectares de vignes sur une propriété où la polyculture petit élevage était la règle. « Mon père se souvient que son grand-père parlait d’une parcelle de blé que l’on consacrait à la fabrication du pain », sourit Laurence. Une autre époque.
Elle n’oublie pas davantage le travail de son papa Francis : « c’est lui qui a développé notre vignoble. Par son engagement, son investissement syndical, national, il a ouvert Millet. Et aujourd’hui nous profitons de son travail. »
C’est en 2002 que Laurence s’est installée au domaine. Après un solide bagage en biologie (un troisième cycle) elle travaille dans l’univers du phytosanitaire. Une importante entreprise lui propose un contrat en Angleterre. Son choix est ailleurs. « Je donnais des coups de mains à la maison depuis toujours et j’ai eu envie de travailler à Millet. Plutôt qu’une main tendue de mes parents c’est moi qui me suis proposée. Ils ont été très surpris, avec quatre filles ils n’avaient pas imaginé qu’une d’entre elle reviendrait sur la propriété. »
Laurence l’admet, à son arrivée, si l’exploitation viticole était au top, il en était différemment côté ventes. « Mes parents faisaient un marché par an, à Rouen, parce qu’ils y avaient des amis… Quant à l’export, lorsque nous étions approchés, on donnait le contact à un collègue… »
« L’armagnac est ce qui nous ancre le plus dans notre histoire de vigneron. »
Alors Laurence s’est plongée dans un domaine qu’elle ne maîtrisait pas. Elle a bossé l’anglais commercial, bien loi du scientifique qu’elle connaissait beaucoup mieux. « J’ai participé à tous les salons que proposaient les Côtes de Gascogne et le syndicat des vins du Sud-Ouest. »
La jeune femme a organisé sa distribution, en France mais aussi à l’export. Sans oublier la restructuration du vignoble passé de 50 à près de 90 hectares.
En 2008, elle prenait définitivement les rênes de la Maison dont ses parents devenaient salariés. Et petit à petit Laurence a mis sa patte sur le Château de Millet. Avec ses vins et son armagnac « qui a toujours été très présent. L’armagnac s’est affectif, se sont aussi nos racines, notre entité. L’armagnac est ce qui nous ancre le plus dans notre histoire de vigneron. Car nous sommes des purs vignerons indépendants. »
Pas étonnant que depuis quelques années ses chiffres de ventes cartonnent. Avec un développement de près de 5 % par an, Millet a doublé le nombre de bouteilles d’armagnac en cinq ans pour atteindre 12 000 ventes annuelles. Une très belle progression, tant en France qu’à l’export, avec un trio de pays acheteurs composé des États-Unis, de la Suisse et de l’Allemagne.
Quant au chiffre d’affaires de l’armagnac, il conforte la place de l’eau-de-vie dans l’activité du château de Millet.
Une ascension qui récompense le travail de Laurence la biologiste, devenue une commerciale et une chef d’entreprise assurées.